Rencontre avec Daniel Assandé

Au sommet de la créativité, un nom s’impose.
Au sommet des chorégraphies, respectant toutes les règles de l’art chorégraphique, ce nom résonne.
Quadruple vainqueur, il est sans doute l’un des chorégraphes les plus ingénieux de sa génération.
De la narration à la chorégraphie, en passant par la scénographie, il a marqué de son empreinte l’Aliebe de Djekanou, le Bayewa de Tabou et bien d’autres encore.
Découvrons ensemble cet homme d’exception.


1. Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Daniel Assandé, artiste, chorégraphe, danseur et interprète.
Aujourd’hui, je suis chef de projet au Marché des Arts du Spectacle d’Abidjan (MASA).
J’ai été danseur, chorégraphe et narrateur à Variétoscope, avec à mon actif plusieurs victoires mémorables, notamment avec : Kambonou de Didiévi,  Alièbé de Djekanou, Massoua de Zouzousso et Bayewa de Tabou

2. Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir danseur ou de participer à Variétoscope ?

À notre époque, la danse était avant tout une passion : un effet de mode, un divertissement. On aimait mettre de l’ambiance dans les quartiers, animer les soirées, vibrer ensemble. Tout cela se faisait avec spontanéité, sans calcul, par pur plaisir.

Puis est arrivée l’émission Variétoscope. Voir nos grands frères et grandes sœurs se produire sur scène nous a profondément inspirés. Nous étions fascinés aussi bien par certains danseurs du Ballet National que par des figures emblématiques comme Tibo Blao, Papis ou Touvoli Dominique. Les voir à la télévision éveillait en nous le désir de suivre leur chemin.

Dans nos quartiers, l’envie de former des groupes et de participer à ce grand concours grandissait. Peu à peu, nous nous sommes organisés, motivés par la joie de danser et par l’envie de montrer nos talents. Après Vacances CultureVariétoscope est rapidement devenu l’émission phare, la véritable vitrine de la jeunesse.

L’esprit de compétition, l’adrénaline, la fierté d’une victoire, ce regard admiratif que tes amis posaient sur toi… tout cela alimentait notre passion. Nous n’avions pas appris dans des écoles de danse. Nous avons appris sur le tas, au fil des répétitions et des scènes improvisées. Plus tard, en rejoignant des groupes structurés comme le Kouamé Black Show, nous avons gagné en expérience et élargi nos horizons.

3. Quel regard portez-vous sur le style de danse de la nouvelle génération (2019–2025) ?

Mon regard est un peu mitigé.

On a souvent l’impression de revoir les mêmes choses, avec peu d’innovation. Beaucoup de chorégraphes ne prennent pas de risques, peut-être parce qu’ils n’ont pas traversé toutes les étapes avant de diriger un groupe. On a l’impression de voir défiler les groupes… mais en réalité, on a parfois l’impression de regarder toujours le même groupe.

Aujourd’hui, la succession d’entrées, le grand nombre de participants sur scène rendent difficile la mise en valeur de véritables performances chorégraphiques. Cela ressemble davantage à une succession de tableaux qu’à une véritable construction artistique. Le décor occupe parfois jusqu’à 80 % de l’espace, au détriment de la danse, qui reste pourtant l’essence même de Variétoscope. Les enchaînements se répètent, et certains pas datent encore des années 80. Il manque cette touche particulière qui moderniserait et rafraîchirait la création.

Mais tout n’est pas négatif. On sent chez les jeunes une vraie envie, une énergie et une détermination. Ils ont beaucoup à apporter. Après 40 ans, le concours a simplement besoin d’innovation. Sans cela, la monotonie s’installe, l’audience baisse et les salles se vident.

La responsabilité est partagée :

  • Aux danseurs et chorégraphes d’oser, d’innover et de se réinventer.

  • Aux organisateurs de repenser la formule et d’apporter du neuf.

Un concours qui dure sans évoluer finit toujours par perdre de son éclat, et c’est malheureusement ce à quoi nous assistons aujourd’hui.

4. Quels sont, selon vous, les problèmes actuels de Variétoscope et vos solutions ?Pour moi, les difficultés actuelles de Variétoscope sont d’abord organisationnelles.

Nous avons une nouvelle génération de danseurs et de chorégraphes, encore prisonniers du mimétisme, fascinés par les anciens, mais sans véritable innovation. Or, pour qu’ils puissent évoluer, il faut que le concours lui-même repense sa structure.

Il est temps de revoir ses bases :

  • Devenir plus exigeant et plus contraignant.

  • Redonner une trajectoire claire, avec une vision forte.

Tant que le concours reste figé dans son format classique (morceaux imposés, choix de thèmes, faits de société, etc.), on tourne en rond. Ce modèle n’est pas mauvais, mais après 40 ans d’existence, on peut dire que toutes les danses ivoiriennes ont été explorées.

Pourquoi ne pas internationaliser le concours ?

Introduire des influences venues d’ailleurs obligerait nos jeunes chorégraphes à approfondir leurs recherches, à se renouveler et à transmettre cette nouveauté à leurs danseurs. Aujourd’hui, c’est un peu comme une sauce que l’on prépare toujours avec les mêmes ingrédients : à 80 ou 90 %, on obtient toujours le même goût. Le public finit par se lasser, et les danseurs eux-mêmes manquent de matière à proposer.

Il faut aussi dire les choses clairement : certains groupes cherchent à gagner par des influences extérieures, des arrangements en coulisses ou même de l’argent sous la table, plutôt que par le travail. Nous n’avons pas de preuves tangibles pour accuser qui que ce soit, mais quand on est dans le milieu, on sent que cela existe.

C’est pourquoi il est urgent d’apporter plus de rigueur et de sévérité dans le fonctionnement du concours. Les règles doivent être respectées, et la victoire doit revenir aux plus méritants. Il faut un règlement intérieur beaucoup plus strict.

L’émission a vraiment besoin d’être repensée pour apporter un souffle nouveau. Parmi les solutions possibles :

  • Repenser la structure du concours pour redonner de l’appétit au public.

  • Associer les anciens danseurs et chorégraphes à la réflexion : nous avons beaucoup reçu de ce concours, il est temps aussi de donner en retour.

  • Ouvrir un vrai dialogue avec la RTI, qui reste la chaîne porteuse du projet.

  • Créer un petit collège consultatif composé d’anciens danseurs et chorégraphes, afin de partager des idées et de trouver ensemble les meilleures évolutions.

C’est dans la confrontation des points de vue qu’une vérité commune peut émerger. Sinon, le patrimoine construit par les fondateurs risque d’être dilapidé entre les mains de personnes moins expérimentées, qui n’ont ni la même passion ni la même compréhension des origines de Variétoscope.

5. Quel chorégraphe vous a le plus marqué ?Plusieurs figures m’ont profondément marqué.

Mon grand maître à moi reste Marc Veh, avec qui j’ai travaillé au Kambonou. Il est mon chorégraphe de référence. Il aimait le risque, l’innovation, avait une vision claire. Ses méthodes ont guidé toute ma carrière, et je continue de m’en inspirer aujourd’hui.

Paix à son âme, Kouadio Stanislas dit Kouaken, un grand nom de Variétoscope, qui a énormément apporté à cette compétition.

Cheick Ndiaye de l’Éveil d’Adjamé reste aussi une figure marquante.

Côté narration, je citerai Momo Eugène, Mame Campbell, Thierry Lati, Justin Cafondo : tous m’ont inspiré dans l’art de raconter, d’habiter la scène par la parole. Ce sont des personnes qui m’ont marqué, influencé et qui continuent encore d’inspirer.

Aujourd’hui, des jeunes laissent à leur tour leur empreinte : Laurent, Zamblé, et, parmi la nouvelle vague, Roma, Lala, Serge, Ahmed et bien d’autres encore qui montrent de très belles choses. Ce sont des talents prometteurs, mais il leur reste du chemin à parcourir. Ils doivent apprendre à prendre plus de risques, car la compétition, c’est aussi cela : oser. Quand ça marche, c’est une victoire. Quand ça échoue, on se remet au travail et on progresse.

Il y a également une génération intermédiaire, entre les Marc Veh et la nouvelle vague, avec des noms comme Théo Mosso, DJ Volcano, Titi, Noël Zézé. Mais en termes d’impact fort, je retiens surtout les années PVP, avec le tandem Laurent–Zamblé, qui a véritablement marqué l’histoire du concours.

6. Le morceau imposé qui vous a marqué ?

Certains morceaux ont véritablement marqué mon parcours, en particulier ceux avec lesquels j’ai remporté des victoires : « Galé » des Frères Zicalo, des titres de Luckson Padéau ou encore des Reines-Mères.

Mais s’il y a un morceau intemporel dans l’histoire de Variétoscope, c’est bien celui de la génération Falacha. Encore aujourd’hui, dès que ses sonorités résonnent, elles continuent d’enflammer les foules.

7. Une anecdote marquante ?

Des anecdotes, il y en a tellement…

Je me souviens d’une finale – ou peut-être une demi-finale – où j’assurais à la fois la narration et la danse. Après le premier ballet, j’ai pris le micro pour narrer. Mes amis venus de Yopougon, tellement fiers de ma prestation, m’ont alors soulevé et porté en triomphe… jusque dehors du Palais ! Ils ignoraient que je devais encore danser au deuxième ballet, et surtout que je devais me changer rapidement.

J’ai dû courir à toute vitesse pour enfiler mon costume, pendant que mon groupe montait déjà sur scène. Un vrai moment de panique, mais aussi un souvenir savoureux, qui illustre à quel point le public vibrait et vivait la passion du concours.

À l’époque, les spectateurs arrivaient dès 6 heures du matin et faisaient la queue pour entrer. Quand on compare cette ferveur aux salles parfois vides d’aujourd’hui, après 40 ans d’existence, cela fait mal au cœur.

8. Un dernier mot ? Vos big up ?

Mon dernier mot est d’abord un message d’encouragement à la nouvelle génération : continuez de rêver, de créer et de vous battre.

C’est aussi un appel lancé aux responsables de la RTI. Une émission qui a traversé plus de 40 années d’existence repose forcément sur des symboles, sur des visages et sur des hommes forts qui l’ont portée et fait durer. Il serait vraiment dommage que ces pionniers ne soient pas associés aujourd’hui à la réflexion pour pérenniser cet événement.

Beaucoup de personnes actuels de la RTI ont trouvé Variétoscope déjà en place. C’est pourquoi il faut désormais associer tout le monde, ne serait-ce que pour écouter, recueillir quelques propositions, et réfléchir ensemble à ce qui est réalisable. Nous avons beaucoup d’idées à partager. Nous attendons simplement d’avoir des interlocuteurs en face de nous, afin de contribuer du mieux que possible à faire progresser cette émission. Car faire progresser Variétoscope, c’est permettre aussi aux jeunes chorégraphes et aux jeunes danseurs de progresser.

Un autre point essentiel concerne le jury. Il serait important qu’il soit composé, à au moins 90 %, de professionnels de la danse. Des personnes libres et objectives, capables d’évaluer avec justesse le travail présenté. Car aujourd’hui, force est de constater que certains candidats sont notés – voire éliminés – par des jurés qui ne connaissent pas vraiment la danse. Et cela fait mal de voir des décisions basées sur des critères non objectifs.

Je prends un exemple : si un chorégraphe décide de mettre en avant une danse traditionnelle comme le Gbegbe de l’Ouest, ce n’est pas seulement la tenue qui définit l’authenticité. Il faut des connaisseurs capables d’identifier les ballets et les gestes, et de juger si les pas exécutés correspondent réellement à ce qui est demandé. Sans cette expertise, on passe à côté de l’essence même de la prestation.

Attention : nous ne rejetons pas le regard extérieur, celui des profanes, qui reste utile et important. Mais un jury ne peut pas être composé en majorité de personnes qui ne connaissent pas la danse.

Voilà ce que je souhaite dire : beaucoup d’encouragement aux jeunes qui continuent de se battre pour écrire les plus belles pages de Variétoscope. Mais il faut rappeler que Variétoscope n’est pas seulement un concours : c’est aussi un centre de formation. Dieu seul sait combien de danseurs, d’acteurs et d’hommes de culture il a formés. Ce serait vraiment dommage que la nouvelle génération ne puisse pas en bénéficier pleinement.

Merci.


Interview par Jacobson


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